La clause bénéficiaire permet au souscripteur d’un contrat d’assurance-vie de désigner la ou les personnes qu’il a choisies pour recevoir les capitaux-décès issus de ce contrat.
Elle permet de déterminer à qui l’assureur doit verser le capital ou la rente, et, éventuellement, selon quelles modalités.
En l’absence de bénéficiaire (non désigné, prédécédé sans représentation, ou non identifiable), les capitaux décès réintègrent la succession et sont soumis à la fiscalité correspondante.
Rédaction de la clause bénéficiaire : le formalisme ?
La désignation de la clause bénéficiaire peut être insérée dans la proposition d’assurance.
L’assureur aura alors connaissance de sa rédaction et pourra en apprécier le contenu, si nécessaire.
Cette solution s’avère pratique (case à cocher, souvent un choix par défaut) mais laisse peu de place à la personnalisation et à l’optimisation.
La clause bénéficiaire peut aussi figurer au sein d’un courrier adressé à la compagnie d’assurances (courrier simple ou lettre recommandée avec accusé de réception),
Ou être conservée à domicile ou dans un coffre par le souscripteur, avec tous les risques de pertes ou de destruction liés à cette situation.
Enfin, il est possible de désigner le ou les bénéficiaires d’un contrat d’assurance-vie par testament.
Il conviendra alors de rédiger la clause avec soin, afin d’éviter tout risque d’intégration des capitaux-décès dans l’actif successoral et de perdre le bénéfice du régime fiscal de l’assurance-vie.
Il est préférable de notifier l’existence de cette clause bénéficiaire à la compagnie d’assurances.
La clause peut également être déposée chez le notaire, sans être rédigée par testament.
Cette solution permet de conserver une certaine confidentialité, notamment si le souscripteur-assuré ne souhaite pas que ses héritiers connaissent le contenu de la clause bénéficiaire.
Il est possible de désigner ou modifier à tout moment (sauf cas particulier de l’acceptation du bénéficiaire) un bénéficiaire sans formalisme spécifique, par l’un ou l’autre des moyens évoqués ci-dessus. L’information de la compagnie d’assurances, bien qu’elle soit fortement conseillée afin de faciliter le versement des prestations, n’est pas nécessaire à la validité de la désignation.
D’autre part, la désignation du bénéficiaire constitue un acte de disposition. En conséquence, des règles particulières s’appliquent lorsque le souscripteur est mineur ou fait l’objet d’une mesure de protection, et peuvent nécessiter l’intervention d’un tiers (juge des tutelles, curateur, conseil de famille…).
Qui peut être bénéficiaire ?
La clause bénéficiaire peut mentionner un ou plusieurs bénéficiaires déterminés, qu’il y ait un lien de parenté ou non avec le souscripteur.
En pratique, les bénéficiaires ne sont pas nécessairement désignés de manière nominative, mais peuvent aussi l’être par leur qualité (ex : mon conjoint).
Dans tous les cas, il faut éviter de désigner le bénéficiaire par sa qualité ET par son nom (comme par exemple « mon conjoint Mme X »). Si, au jour du dénouement du contrat, le souscripteur-assuré a divorcé et s’est remarié avec une autre personne, la clause sera sujette à interprétation.
Le partenaire de PACS et le concubin ne sont pas considérés comme conjoint. Il n’est pas opportun de désigner comme bénéficiaire de son contrat d’assurance-vie « mon concubin ». Il convient de privilégier une désignation du partenaire de PACS ou du concubin par son état-civil.
Le souscripteur-assuré peut parfaitement désigner les enfants bénéficiaires de son contrat d’assurance-vie, sans les désigner nommément. Il est également possible de désigner les « enfants nés ou à naître » : les bénéficiaires sont appréciés au jour de la réalisation du risque (décès ou survie) et non au jour de la souscription.
Une association peut être désignée bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie. Il convient cependant que celle-ci soit désignée avec précision.
D’un point de vue fiscal, ne seront pas assujetties aux droits de mutations les associations énumérées à l’art. 795 du CGI.
Certaines personnes occupent des fonctions les empêchant d’être désignées bénéficiaires de contrats d’assurance-vie. Il s’agit des médecins, officiers de santé, pharmaciens qui ont prodigué des soins au souscripteur-assuré pendant la maladie dont il est décédé.
L’article L 331-4 du Code de l’action sociale et des familles a étendu cette liste aux administrateurs, employés, associations ou bénévoles d’un établissement spécialisé, sociaux et médico-sociaux, ainsi qu’aux mandataires judiciaires.
Désignation du bénéficiaire : des points de vigilance
Lorsqu’un contrat d’assurance-vie est souscrit conjointement par deux époux, ceux-ci doivent désigner ensemble le bénéficiaire des capitaux-décès. Dans ce cas, la désignation du bénéficiaire par testament rédigé conjointement par les deux époux est impossible puisque le testament conjonctif est interdit. Une désignation par les deux époux au sein de deux testaments est également impossible.
Contrairement au droit des successions, la représentation ne se présume pas en droit des assurances.
Si le souscripteur-assuré souhaite qu’elle puisse s’appliquer, en cas de prédécès du bénéficiaire ou de non-acceptation des capitaux-décès, il convient donc de l’indiquer expressément au sein de la clause bénéficiaire, ou d’y préciser le bénéficiaire de second rang souhaité.
Les clauses spécifiques : rechercher l’efficacité !
Il est possible de démembrer la clause bénéficiaire en désignant plusieurs bénéficiaires qui recevront respectivement l’usufruit et la nue-propriété des capitaux-décès.
La clause bénéficiaire démembrée peut permettre de protéger l’usufruitier tout en organisant la transmission aux nus-propriétaires. Généralement, le conjoint survivant du souscripteur sera désigné bénéficiaire pour l’usufruit tandis que les enfants du couple seront désignés bénéficiaires pour la nue-propriété.
Cette clause permet de désigner simultanément plusieurs bénéficiaires et d’éviter une double taxation. Ainsi, elle s’avère plus efficace qu’une clause désignant un bénéficiaire en pleine propriété.
Dans la pratique et sauf clause spécifique, les compagnies d’assurance délivrent très souvent au conjoint survivant bénéficiaire, les capitaux sous la forme d’un quasi-usufruit. Ce dernier peut alors librement disposer des sommes démembrées à charge par lui de les restituer à son décès aux nus-propriétaires. Cette dette constitue un passif de succession. A ce titre, elle viendra diminuer l’assiette taxable aux droits de succession.
A cet égard, il est vivement recommandé de faire enregistrer une convention constatant l’existence de cette dette, afin de lui donner date certaine.
La clause peut également prévoir le remploi des capitaux pour l’acquisition d’un autre actif (immobilier, nouveau contrat assurance-vie…) sur lequel sera reporté le démembrement.
La clause bénéficiaire démembrée nécessite une rédaction précise et complète, selon l’objectif du souscripteur, pour renforcer ou atténuer la protection du ou des nus-propriétaires, prévoir les modalités de gestion, et d’éviter d’éventuels conflits.
La clause à options, également appelée « clause à tiroirs », permet de désigner un bénéficiaire en lui laissant le choix entre plusieurs options.
Par exemple, le souscripteur-assuré peut désigner son épouse bénéficiaire, avec à son choix la pleine propriété des capitaux-décès, l’usufruit des capitaux-décès, ou encore une partie des capitaux-décès en pleine propriété et du surplus en usufruit.
Plusieurs précautions rédactionnelles sont à prendre afin d’éviter toute ambiguïté ou situation de blocage.
Il est possible d’arriver à un résultat similaire à celui de la clause à options en souscrivant plusieurs contrats d’assurance-vie et en désignant des bénéficiaires de plusieurs rangs pour chacun d’eux.
Le bénéficiaire pourra alors décider d’accepter l’ensemble des contrats d’assurance-vie ou renoncer à certains d’eux.
Il est possible d’assortir la désignation bénéficiaire de charges et conditions.
Une telle rédaction permet de gratifier le bénéficiaire tout en lui imposant un certain nombre de règles à respecter.
Par exemple, un souscripteur-assuré peut désigner son petit-fils bénéficiaire en prévoyant une obligation d’emploi des fonds sur un contrat d’assurance-vie, assortie d’une clause d’inaliénabilité jusqu’à son 25ème anniversaire.
Bien entendu, les charges ou conditions stipulées ne doivent pas être impossibles, illicites ou immorales.
Enfin, le souscripteur peut aussi décider de désigner le bénéficiaire à titre onéreux.
Ainsi, au décès de l’assuré, le capital sera versé au bénéficiaire et servira à éteindre une dette du souscripteur. Par exemple, un quasi-usufruitier peut désigner le nu-propriétaire bénéficiaire à titre onéreux d’un contrat d’assurance-vie en vue de régler la créance de restitution.
Décès du souscripteur-assuré : dénouement du contrat d’assurance-vie
Le bénéficiaire est libre de percevoir ou non les capitaux-décès. A ce titre, il peut donc accepter les capitaux-décès ou y renoncer au profit des bénéficiaires de second rang ou ses représentants si la clause le prévoit (voir ci-dessus)
Lorsqu’il a connaissance du décès du souscripteur-assuré, l’assureur est soumis à l’obligation de rechercher les bénéficiaires.
Le notaire peut interroger la compagnie d’assurances sur l’existence des contrats d’assurance-vie souscrits par le défunt et certaines de leurs caractéristiques (primes versées, etc.).
Cependant, l’obligation de confidentialité de l’assureur ne lui permet pas de révéler l’identité du ou des bénéficiaires.
En revanche, un héritier peut donner mandat au notaire chargé du règlement de la succession d’interroger le fichier Ficovie afin de savoir s’il est bénéficiaire de contrats d’assurance-vie.
Les bénéficiaires ont 10 ans pour réclamer les sommes dues.
La compagnie d’assurances doit demander au bénéficiaire de lui fournir l’ensemble des pièces nécessaires au paiement dans les 15 jours suivant la réception de l’avis de décès et de sa prise de connaissance des coordonnées du bénéficiaire. A réception de ces pièces, l’assureur dispose d’un délai maximum d’un mois pour verser les sommes au bénéficiaire.
A défaut de respect de l’une ou l’autre de ces conditions, des intérêts moratoires sont dus par la compagnie.
Cependant, l’assureur n’est redevable d’aucune pénalité pour n’avoir pas versé les capitaux au légataire dans les délais dès lors que la clause était ambiguë et nécessitait une interprétation.
Certaines personnes peuvent penser être bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie.
Afin de le savoir, elles peuvent interroger l’AGIRA (Association pour la Gestion des Informations sur le Risque en Assurance). Un extrait d’acte de décès de l’assuré devra accompagner cette demande. L’organisme a 15 jours pour retrouver si un contrat a été souscrit au profit du demandeur.
Dans l’affirmative, l’assureur concerné a un mois pour informer le demandeur de sa qualité de bénéficiaire. Dans la négative, aucune réponse ne sera envoyée au demandeur par l’AGIRA.
Marie Estelle Robin
Expert en Gestion de Patrimoine